lundi 14 novembre 2016

Les pas d'en haut

Des pas mystérieux. Depuis quelques temps. Juste au dessus.

Ça n’arrête pas. Ça a la bougeotte. Jusque tard le soir. Infatigable. Ou toqué. 

Quelqu’un qui compte ses pas. Un mathématicien. Oui, un mathématicien perdu dans ses chiffres. Il embrasse les longueurs et les largeurs, les coupant de diagonales. Mesurer l’hypoténuse. Ne pas oublier le carré. 8 pas au carré font 64 pas carrés. Et si je faisais des pas ronds? Est-ce que 8 pas ronds font 64 pas bulles?

Il brave ses pensées pour se concentrer sur sa chasse au trésor. Il part dans plusieurs directions, s’arrête tous les 8 pas. À chaque arrêt qu’il est obligé de faire pour ses calculs, il se saisit d’un objet, le nettoie puis le range. C’est un mathématicien maniaque un peu mystique.

Son activité effrénée doit lui donner des crampes ou alors les fourmis qu’il chasse des objets qu’il astique sautent sur ses jambes car il alterne avec des sessions de sautillements. Un mathématicien sportif qui a peur des courants d’air…

Ou peut-être est-ce tout simplement son lapin obèse? En mal de carottes sans pesticides, il s’est vengé sur les cacahouètes grillées et salées. Elles lui ont donné soif, alors il s’est mis à boire 4 litres de soda par jour. Il est devenu énorme et n’ose plus sortir. Il tourne en rond pour trouver une solution car il digère mal depuis qu’il a croqué son maître. Lui qui a toujours eu un penchant pour la course de vitesse se met à compter ses pas pour se donner des objectifs de marche.

Le soir, il essaye de mesurer son tour de taille avec une équerre pour voir s’il rentre dans un costume du mathématicien. Pas envie de se promener nu dans la rue. Quand le bon centimètre sera venu, il pourra  sortir, peut-être retrouver une carotte naturelle dans un potager partagé… En rêvant de ce jour-là, il s’endort.


Calculs de masses, de trajets et de volumes

mardi 1 novembre 2016

Graine de courge

En faisant un tour dans un potager, quelque chose m’a intriguée. Quelque chose de discret, un mouvement presque imperceptible en réalité, mais quelque chose se passait et je décidai d’aller voir cela de plus près.

Alors que j’approchais, le bruissement cessa et je me retrouvai l’oreille immobile et ouverte. Le vent me demanda ce que je faisais plantée là et repartit faire tomber quelques feuilles mortes.

J’étais dans un de ces moments de flottement où l’on hésite à arrêter l’action que l’on a commencée quand l’intérêt de cette action nous a soudainement échappé. Ma curiosité et ma ténacité faisaient résonner le battement de mon coeur au creux de mon oreille mais la logique pragmatique et efficace avait déjà levé un de mes talons pour faire demi-tour. 

C’est mon envie d’aller au bout des choses qui l’emporta et je fis quelques pas de plus. Le vent frôla la terre et je perçus la même densité que plus tôt au niveau d’une feuille qui ployait à l’orée de la friche. J’écartai la feuille en question et découvris derrière une dizaine de citrouilles en pleine manifestation. 

« À bas les sécateurs! »

« Nous sommes des êtres vivants, pas des bougeoirs naturels »

« Graine de courge, Parole de cucurbitacée »


Elles s’arrêtèrent lorsqu'elles me virent et la plus courageuse m’expliqua qu’après la période critique de Halloween, les survivantes avaient l’habitude d’organiser cette manifestation pour exorciser leur peur.

Avant de replacer leur protection, je leur souhaitais bon courage, me disant que ces citrouilles en avaient dans les graines.


Citrouilles et autres courges

lundi 3 octobre 2016

Le pull Mickey

Les premières fraîcheurs de l'automne me replongent dans les souvenirs de ma grand-mère. Non seulement ses câlins étaient les plus douillets, mais les pulls qu'elle me tricotait petite avaient une place toute particulière. 

Il y avait surtout ce pull. Le pull Mickey. Fond bleu et vert. Mickey sur un scooter. En route pour un déjeuner, la plage, un cinéma? Une vie simple et oisive. 

Il m'inspirait. Sans doute une combinaison de ses grandes oreilles et du fait qu'il tenait les rênes d'un avenir proche. 

Il était tout doux et je partais souvent m'évader avec lui.


Aujourd'hui, c'est son souvenir qui m'apporte un peu de douceur et je m'évade toujours autant.

Souvenir d'enfance

dimanche 18 septembre 2016

Chronique un peu poussiéreuse

Quand ton propriétaire t'annonce qu'il vient visiter ton appartement dans deux jours:

- ouffffff, j'ai passé l'aspirateur ce week-end

- La poussière... Il y a toujours de la poussière à Paris, non?

- La douche... Les carreaux semblent plutôt blancs.

- Les vitres... Ça serait bien de nettoyer les vitres. Pas le matin même, ça fait un peu trop exprès pour l'occasion. Les nettoyer la veille. Ne pas oublier. Et si j’oublie, ça fera un bon filtre UV. En espérant qu’il fasse beau.

- Ranger la vaisselle. J'avais oublié l'existence de mon torchon pour l’essuyer. Il a une belle couleur! Je devrais le regarder un peu plus souvent.

- Le bordel... Ah oui, le bordel... Le problème, c'est qu'à chaque fois que je range, l'état originel se recréé de lui-même en quelques heures. Ranger puisqu'il le faut, puis sortir pour tout laisser intact.

- Prendre une heure pour m'entraîner à mon plus beau sourire. 

- Arriver zen genre je ne suis jamais à la bourre dans ma vie, le syndrome de la petite ménagère parfaite, prendre soin de mon environnement de vie: une priorité! Le ménage? J'adore faire le ménage!!!! Presque une passion!!! 

baguette magique

mardi 6 septembre 2016

Tour du monde

Ce qu’il est bon de prendre l’avion! 

C’est un de ces voyages plein d’excitation: destination décidée hier, turbulences et atterrissage avec ce qu’il faut de soubresauts pour sourire de soulagement à ses voisins une fois l’avion bien à l’arrêt sur le tarmac. 

C’est d’ailleurs assez drôle, cette connivence qui lie les passagers dans l’attente de leur valise devant un tapis roulant.

En revanche, je trouve le moment beaucoup moins drôle quand l’écran  affiche « livraison terminée ». Bien sûr, c’est logique. Les voyageurs ont récupéré leur bien, la livraison est terminée. Sauf qu’il manque une valise. Et je peux l’affirmer avec autant de certitude que c’est la mienne. 

Dans mes aller-retours dubitatifs entre les différents tapis et le comptoir des bagages perdus, j’écarte la possibilité qu’elle soit restée à Paris. Elle aime trop voyager. Je suis en train de me remémorer les vols concomitants au mien quand la réalité me frappe comme une évidence.

Ma valise a décidé de faire le tour du monde sans moi. 

Si j’avais su qu’elle en avait envie, on en aurait discuté. On aurait élaboré un itinéraire, ou plusieurs itinéraires possibles, ou rien de précis si elle préférait l’aventure. Mais non. Elle a préféré se la jouer individualiste et ma planter là, dans un aéroport à l’ombre d’un volcan. 

En jean et baskets par 40°, seule la clim me maintient debout devant le comptoir des valises perdues. « Lost and Found ». « Lost », c’est fait. Tout mon espoir se concentre sur le « Found ».

Il y avait un vol pour Athènes exactement à la même heure que le mien. Thésée, le Pirée, les jeux olympiques… Rio lui aura donné des idées. Pour commencer, elle remonte aux sources. Tiens, j’ai le sentiment qu’elle est en pleine visite de l’Acropole…
Jeux olympiques

mardi 12 juillet 2016

Par magie

J’ai été voir un spectacle de magie.

J’ai vu des cartes se retourner pile sur celle que le public avait deviné. 9 de trèfle. Moi, j’aurais choisi du coeur. Parce que c’est ce qu’il y a de plus important. Mais peut-être que si j’avais participé au numéro, le magicien aurait aussi lu dans mes pensées et retourné ma carte.

J’ai vu des danseuses toucher la terre et le ciel en même temps. 

Des balles transpercer le noir de la nuit dans une hypnose circulaire.

Des méduses de plastique onduler au dessus de bouches tellement ouvertes que les bulles qui en sortaient formaient des montgolfières.

J’ai vu les minutes et puis j’ai été aveugle du temps.

En sortant, je me suis demandée quelle sensation ça faisait d’être une coccinelle échappée d’un chapeau haut de forme.

Je crois que c’est un peu comme le début des vacances, quand on ouvre les yeux et qu’on se retrouve éblouie par la douceur de la mer et portée par la chaleur du vent.

haut de forme oublié sur la plage

La magie des vacances



mardi 7 juin 2016

Regarde un peu le soleil

J’ai rencontré une dame avec un parapluie qui n’arrêtait pas de râler.

J’ai rencontré un monsieur avec ses lunettes à la main qui était dans le mépris constant des autres.

J’ai rencontré un autre monsieur avec le sourire à l’envers qui renversait tout ce qui était dit en négatif.


J’ai senti que tous ceux-là m’épuisaient. Que les sentiments après lesquels ils courraient étaient teintés de gris opaque. Qu’on ne recherchait pas le même bonheur.


Je préfère regarder le soleil et me laisser envahir par ses rayons.

Je préfère échanger un sourire,
un rire des yeux, un rire du coeur.

Je préfère écouter pleinement plutôt que de rester enfermée dans mes pensées.

Je préfère donner plutôt que de chercher à prendre et à garder.

Je préfère découvrir sans a priori.

Comprendre la nécessité de la pluie qui tombe, sentir qu’elle nous régénère. 

Accepter le gris bleuté des nuages comme un cocon dans lequel il est bon de se blottir.

Marcher pour se laisser traverser par l’air.

Plus je chéris cette énergie, plus elle me chérit à son tour. Nous dansons sur un sommet de lumière et jouons avec nos joies éternelles.


Regarde un peu le soleil. Parfois, il brille de manière plus subtile. Mais même si tu ne le vois pas, il est là.

pluie de coeurs

samedi 30 avril 2016

La nuit

Tu sais quand la nuit nous parle.

Elle nous chuchote des choses qu'on ne voudrait pas entendre. Des choses qu'on laisse loin derrière soi pour qu'elles ne soient plus réelles.

Dans cette nuit, il n'y a plus de couleurs. Plus de repères habituels.

Suivre son instinct. Avancer à travers le craquement des branches tombées et le coassement des grenouilles. Avancer. D'apnées en surprises. On apprend à ouvrir les yeux.

Je peindrai des arbres aux troncs blancs pour me repérer dans la nuit.





arbres aux étoiles

mardi 29 mars 2016

Le printemps, Pâques... Tout ça, tout ça...

Je trouve que l’arrivée du printemps est toujours un peu brutale.

Un jour, je me lève. Il fait nuit.

Le lendemain, je me lève. Il fait jour. Ça fait du bien au moral.

Une semaine après, on change d'heure. Je me lève. Il fait encore plus jour. Je ne m'émerveille plus sur le bleu du ciel mais sur le violet de mes cernes révélé soudainement au grand jour alors que je ne suis même pas encore assez réveillée pour ne pas faire un bond devant la glace en apercevant mon reflet.

Il reste une chose.

Le chocolat pour oublier.

Car oui, préparer l’été, c’est aussi accepter le passage en roue libre qu’est Pâques.

Opération chasse aux œufs.

J'ai rassemblé les poulettes, lapins, poissons et tortues en chocolat des boulangeries devant lesquelles je suis passée ces derniers jours. J’ai facilement trouvé où ils se cachaient. En me dirigeant vers chez moi, j’en viens à l’évidence: aucune utilité de les disperser à nouveau car, en fin de compte, la meilleure cachette, c’est bien dans mon estomac.

Pâques ou la poulette de l'aube

La poulette de l'aube


lundi 14 mars 2016

La centième

La centième fois que la roue du skate a tourné sur le sol, j’ai levé des yeux qui tournaient encore, et j’ai laissé échapper un « olala ».


La centième fois que j’ai pensé à un canard, il était tout bleu.

La centième fois que j’ai bu un diabolo menthe, j’ai tout gardé dans ma bouche, puis je l’ai craché au pied de mon voisin et lui ai demandé: « Ça bulle? ».

La centième fois que j’ai glissé, je me suis répété que je pouvais m’arrêter et me relever n’importe où.

À la centième minute, j’ai soupiré.

À la centième lune, j’avais les yeux engourdis.

À la centième chouette qui passait en bicyclette, je suis montée sur le porte-bagage avec des faux-cils et une loupe.

La centième fourmi qui faisait la queue au stand de glace s’est dit qu’elle préférait les mirabelles fraîches.

La centième paillette d’or que le soleil avait laissé accrochait une paillette de gel.


La centième cloche a sonné, j’ai tourné une page.


blue rêve

100

mercredi 24 février 2016

Chlore

Plus que quelques mouvements de bras avant de toucher le bord du bassin. Si ce n’était pas par obligation, c’est sûr que je serais à des kilomètres de ce bouillon de chlore.

On reste concentré, personne n’a pied à cet endroit à part les géants aux petits pois. D’ailleurs les géants aux petits pois ont plus que pied ici, puisque ce qui me sert de récipient aquatique pour faire des longueurs toujours plus longues à mes yeux ne leur serait pas d’une grande utilité à part pour une trempette d’orteils poilus.

Zut, où est passé ma clé de vestiaire??? Elle était accrochée à un bracelet, qui était lui-même attaché à ma cheville. Je me redresse, je touche ma cheville, plus rien. Je regarde. Plus de bracelet jaune. Comment ça, plus de bracelet… Ce n’est pas possible! Je ne peux tout simplement pas vérifier le moindre mètre carré de piscine! Je fais du surplace en tentant de maîtriser mon rythme cardiaque. Je tourne la tête affolée à droite et à gauche. De loin, quelqu’un crie quelque chose. Un bruit plutôt strident me parvient diminué à travers la ouate de mon angoisse et mon pouls qui résonne dans mes oreilles.

Il n’y a qu’une solution: plonger. En espérant qu’il est dans les parages. Je prends une grande inspiration et disparais sous l’eau.Heureusement, je l’aperçois assez vite et le récupère. J’entame ma remontée et franchis la surface, le bracelet porté au bout de mon bras de manière victorieuse. 

J’ai bien droit à une petite pause, d’autant plus qu’il n’y a plus grand monde autour de moi. Je relève mes lunettes et les bords de mon bonnet.

Soudain, des sifflements effrénés me font opérer un volte-face vers le bord du bassin. Le sifflet rouge du maître nageur semble au bord de l’explosion. Comme si j’étais réticente à retrouver la terre ferme, il continue à me crier:

« MADEMOISELLE, IL FAUT SORTIR DU BASSIN!!! ON FERME!!!!!!»


C'est sur que j'allais pas y dormir, dans ton bassin! Je ne serais pas en train de faire une démonstration de sirène si les clés de vos vestiaires n’étaient pas en plastique qui glisse. Crapaud, va...

Jamais sans mon bracelet!

dimanche 31 janvier 2016

Les garçons à la peau douce

On se fait toujours avoir.

Sous le choc, on s’entend souffler des compliments tels que « Ta peau est incroyablement douce… encore plus que la mienne, c’est fou! ».

Mais un jour, j’ai fait des regroupements de souvenirs et d’idées. Et ça a fait « tilt ».

J’ai remarqué qu’à chaque fois qu’un garçon avait la peau trop douce, il allait à la piscine.

Ma conjecture est donc la suivante: ils n’ont pas la peau super douce parce qu’ils ont des gènes exceptionnels et que la nature en a fait des dieux vivants. Non non non non non. Leur peau est douce à cause du chlore. Autrement dit, le chlore leur a brûlé l’épiderme.

Alors moi, je préfère me gommer les mollets avec de la purée d’avocat mélangée à du sucre, du miel et tout ce qui me passe sous la main en imitant la démarche d’E.T. devant la glace (« téléphone maison »… Oui, j’imite aussi sa voix. Oui, non-stop pendant une heure) plutôt que de me mettre en maillot pour me brûler la peau!

5 fruits et légumes par jour, à manger ou à se tartiner
La balance de la douceur



mardi 12 janvier 2016

La reine de glace

Dans un pays lointain, pas si lointain, les températures oscillaient autour de la moyenne comme si elles confirmaient la situation géographique du pays contrairement à tous les a priori: ni à l’Est ni à l’Ouest, mais au coeur de l’Europe Centrale. 

Enfin, quelque soit son historique socio-économico-culturel, j’avais enfilé mon sous-pantalon de ski sous un jean bien coupé du genre j’ai trop le style de l’extérieur, parce que 0°C reste 0°C et qu’en dessous, j’ai les poils qui gèlent.

Sous mon bonnet à pompon, j’avançais tel un manchot impérial rive droite (non, ce ne sont pas mes réflexes de parisienne que de dire « rive droite », c’est dixit Le petit futé, donc si quelqu’un a quelque-chose à redire, il sait désormais où s’adresser). En m’approchant de la place principale de cette rive, j’aperçus une longue file d’attente. Mes yeux remontèrent le long de cette dernière pour arriver à une vision peu commune: une reine de glace bénissant un à un ceux qui se présentaient à elle. Perchée sur sa chaise haute, sa robe de quelques mètres formait un doux duvet s’écoulant telle une cascade figée autour d’elle. Du bout de son sceptre magique pendait un fil auquel était accroché une couronne. A chaque passage, elle l’abaissait quelques secondes sur une nouvelle tête puis le relevait, désignant ainsi la fin de sa mission.

En mal de prince charmant, il me fallait évidemment faire un voeu pendant la bénédiction de la Reine. C’est là que Google traduction a du sauter. L’amour restant de glace, c’est un chimpanzé qui m’est tombé dessus au bout de la rue. Hurlant « Houba houba »* en mimant un acte sexuel, il fit plusieurs tours de manège avant de disparaître aussi soudainement qu’il était apparu.

La prochaine fois, je me méfierai des glaçons qui n’ont pas pour habitude de réchauffer les coeurs. 


* j’ai vérifié, cela ne signifie ni « bonjour » ni « au-revoir » dans le pays en question

Je suis le chimpanzé glacé aka the King of your life