samedi 21 avril 2012

Un café sur terre


Qu’est-ce que j’aimerais apprécier le café certains jours…

Outre le fait de ne pas partir à un rendez-vous important avec la batterie de mon téléphone clignotant la mort, ça me permettrait d’avoir moins de phrases psychédéliques me traversant la tête.

Et aussi de ne pas me focaliser sur les jambes des passants, imaginant la ville comme une fourmilière grouillante. Parce que quand le serveur arrive et que je le dévisage comme s’il était le roi des fourmis, je sens dans sa réaction une certaine vague d’incompréhension-d’impatience-d’angoisse.

Puis, ça me fait revoir ma théorie comme quoi les réveils où j’entends plusieurs de mes chansons préférées à la radio annoncent des jours exceptionnels. Parce qu’aujourd’hui, c’était le cas et je ne vois vraiment pas ce qu’il y a d’exceptionnel… À part peut-être que j’ai l’impression d’être un poisson dans son bocal.

Quelques gouttes tombent. Je m’imagine alors ébauchant les premiers pas d’une chorégraphie, chantonnant « I’m singin’ in the rain » jusqu’à ce que je reçoive une cinquantaine de grêlons en pleine figure. Giboulées de mars, qu’ils disent…

Garçon, un café s’il-vous-plaît !

Faut bien retomber sur terre.


dimanche 15 avril 2012

Touche à tout, va !

Je ne sais pas si, de manière inconsciente, j’aime me faire rappeler à l’ordre, mais je trouve qu’il y a parfois de quoi se poser des questions. J’ai quelques exemples en tête, plus ou moins significatifs, qui démontrent un certain goût pour l’aventure, tout du moins un comportement quelque peu chevaleresque dans notre société bien codifiée.

Prenez par exemple cette fois où je me suis retrouvée perdue au beau milieu de ce dédale capital qu’est le Louvre. Îvre de lassitude, j’errais de salle en salle, tentant un sourire à des momies en fines bandelettes, un clin d’œil à des Romains aux cuirasses scintillantes. Je me rappelle avoir contemplé un certain temps le plan d’Alexandrie. Mais à force de rester plantée 20 minutes devant chaque panneau explicatif (le petit à côté de chaque œuvre, ce qui est plus inquiétant que les grands à l’entrée de chaque salle devant lesquels je ne me permettais que de loucher deux ou trois fois en faisant des mouvements d’avant en arrière, mouvements qui ont effrayé certains touristes si je me souviens bien) sans en comprendre le moindre sens m’était venue en tête une question qui m’apparut comme cruciale : que faisais-je ici à 9h23 un dimanche matin, lendemain d’un dîner auquel j’avais été invitée de manière un peu hasardeuse et au cours duquel j’avais dû contrer mon ennui en me réfugiant… (les éléments refaisaient peu à peu surface) près du bar? Me revinrent alors à l’esprit des bribes de conversation et à la bouche les goûts de divers cocktails. Pourquoi ce con de Machin-chose m’avait-il dit que rien ne valait une visite au Louvre un dimanche matin car seuls quelques touristes égarés peuplaient le palais ??? C’est drôle, je n’avais pas trop mal à la tête, même pas du tout. Par contre, il faut avouer que j’avais plus l’air d’une girouette que d’une statue… Soudain, je fus secouée par une prise de conscience atroce. Et si Machin-chose n’était pas parti se coucher comme toute personne normale, qu’il était venu avec moi (je n’exclus pas la possibilité de « black-out », on n’est jamais assez prudent quand on essaye de reconstituer la réalité) et que je tombais sur lui entre deux papyrus … ??! Après quelques œillades consciencieuses à gauche puis à droite qui parvinrent à me rassurer, je m’aperçus qu’Hermès enlevait sa sandale juste devant moi et me suis dit que s’il se mettait à l’aise, j’avais bien droit moi aussi à une petite pause. Les grammes d’alcool circulant en moi ont tellement agi sur la gravité que je me trouvais assise par terre, la tête posée contre le mollet d’Hermès - qui n’avait pas trop l’air de m’en vouloir cela dit en passant - , les paupières lourdes, quand un magistral coup de sifflet me coupa le souffle et signa la fin de mon quart de seconde hellénistique. Le gardien me mit à la porte de l’aile, me gratifiant d’ « un touche à tout, va ».

Rentrée chez moi et après un jour et demie de sommeil, j’étais toujours sous le choc culturel. C’est vrai, la culture n’est pas qu’une randonnée éprouvante dans un musée. Alors je décidai de m’y mettre moi aussi. Je remontai les pots de peinture qui nichaient dans la cave et après une théière et la moitié d’une poule en chocolat, je tenais mon concept artistique. J’allais élaborer quelque chose entre Verlaine et Godard, entre Basquiat et Dubillard. Quelque chose de simple en définitif. Si tous les murs intérieurs eurent l’honneur de mon inspiration, je décidai de ne pas m’attaquer aux murs extérieurs, pensant qu’Haussmann m’en aurait peut-être voulu. Et puis les pots se sont vidés, remettant en question mon idée même d’art continu. Je me fis la réflexion que peindre sur les murs n’était pas très pratique pour illustrer des chroniques. Il faut y penser à ça. Parce que si je continuais sur cette voie, il allait falloir qu’à chaque nouvelle chronique, je découpe un bout de mur pour le placer dans mon scanner afin de l’envoyer dans mon ordinateur, sachant que le poids de la pierre risquait d’écraser la vitre de mon scanner et il était donc à supposer que je doive racheter un nouveau scanner à chaque nouvelle chronique. Une chronique par semaine devenant synonyme d’un scanner par semaine, je tirai la conclusion que le jeu n’en valait pas la chandelle. Ma décision prise, je me dirigeai vers une boutique où je pouvais trouver tout un matériel de peinture convenable. Face à la montagne de pinceaux, éponges, gommes arabiques bariolées, papiers de diverses épaisseurs que je retenais dans mes mains, la vendeuse s’empressa de me demander ce que je faisais dans la vie. Après m’être dérobée de manière plutôt brumeuse de cette intrusion dans mon intimité, elle conclut notre fausse conversation par un « Hum, touche à tout, quoi ».

Décidemment, on ne se refait pas.

D’ailleurs, pour contrer toute supposition de collaboration numérique avec un illustrateur mystérieux, j’offre ici un plaidoyer grandiloquent pour la reconnaissance de mes droits de crayon comme de mes droits de pinceaux.
Un véritable démenti ; j’en fais une histoire personnelle.
Il était temps de remettre les pendules à l’heure.
Ca se voit bien que ce n’est pas vous qui manquez d’avaler de l’eau pleine de peinture à chaque fois que vous pensez avoir attrapé votre tasse de thé !

Mon atelier a l'allure modeste

vendredi 6 avril 2012

Rencontre avec un lapin


Lullaby : Vous pourriez vous excuser, quand même !

Le lapin : De quoi ?

Lullaby : Eh bien de rentrer dans les gens.

Le lapin : Mais je ne peux pas rentrer dans les gens où je suis….

Lullaby : Vous créez des embouteillages, c’est pareil. Vous êtes un lapin provoquant l’admiration, voilà tout.

Le lapin : Qu’est-ce que vous voulez, on ne se refait pas.

Lullaby : Et d’une arrogance sans nom, qui plus est !

Le lapin : Tu as quel âge, petite ?

Lullaby : Lapinetto, il est très inconvenant de demander son âge à une femme. Et ne m’appelle pas « petite » pour la simple et bonne raison que je suis au moins 8 fois et demie plus grande que toi.

Le lapin : Alors, ma p’tite dame, tu t’appelles comment ?

Lullaby : pffff… Ô rage , Ô désespoir… ah, euh, pardon. M’appelle Lullaby.

Le lapin : Tu chantes ?

Lullaby : Non, mais j’enchante. Et toi, lapino, comment te nomme-t-on ?

Le lapin : Dans le temps, on m’appelait le Lapin flingueur. Aujourd’hui, d’un côté de l’océan, on m’appelle The Great Rabbit, de l’autre, plus loin dans les terres, L. Le Maudit. Je vais te dire quelque chose, ma petite. Si j’ai perdu mon accent sicilien, faut pas me prendre pour un canard sauvage non plus.
Enfin, ici, Lapin, c’est mon nom de famille. Mais tu peux m’appeler Arsène.

Lullaby : Tu es un personnage bien intéressant, lapinou.

Le lapin : Toi aussi, petite.

Lullaby : Ah oui ? Comment peux-tu dire ça ? On ne se connaît pas.

Le lapin : Tu sais, dans ma vie, j’ai brossé bien des portraits.

Lullaby : Et le mien t’en dit long ?

Le lapin : Tu es une anémone au pastel douloureux.

Lullaby : Je ne te permets pas de dire ça, petit lapin ! Tu es affreux de juger sur mon apparence. Pastel douloureux, non mais oh !
Tiens, j’ai une idée. Puisque tu me compares à une anémone, sais-tu qu’ « anémone » vient d’un mot grec qu’on traduit par « fille du vent » ? Non, tu l’ignorais, évidemment. Eh bien parce que tu n’as pas été sympa avec moi, je voudrais que le vent se lève et qu’il souffle si fort dans tes oreilles abasourdies que tu ne sentiras même pas que je t’en aurais croqué une !

Pâques - lapin flingueur cherche l'âme soeur