vendredi 29 juin 2012

La joie des vacances


Quel mot agréable à l’oreille que celui de « vacances » !

En l’entendant, on a l’impression que les cloches du bonheur se sont mises à sonner. Cela est, bien entendu, valable pour tous sauf pour les stakhanovistes qui se sont immiscés parmi vous ou qui, il faut bien l’avouer, sommeillent parfois en nous. Dans ce dernier cas de figure – et sans pour autant pencher vers la schizophrénie - je vous recommande des incantations au dieu du travail, STAKHA, dîtes lui NO, je veux et peux VIvre sans toi: pendant un temps, je ne veux plus croire en toi, je deviens athéiSTE. Ça devrait marcher.

Alors à vous, le soleil, la plage ou la montagne ! Bikini ou chaussures de randonnée. Air pur ou métropole cosmopolite. Les pieds en éventail – cela dit entre nous, très difficile à réaliser au sens propre du terme – ou courant dans les rues de Shangaï.

Voici votre désir le plus fou de ces derniers mois qui se concrétise : vous mettre au vert et lever le pied. Farniente, Farniente, Farniente !!!!! Doucement bercée par le hamac, la brise et le chant des grillons, je souris en ton nom.

« Sur l’autoroute des vacances, c’était sans doute un jour de chance… » la la la, on la connaît par cœur celle-là.

Mais avant toute chose, il existe un obstacle périlleux. L’épreuve fatidique d’accès à ce bonheur prend forme sous le nom explicite de « semaine des réservations ». À bien y réfléchir, parler de « semaine des réservations» au singulier me semble peut-être un peu présomptueux…

Quiconque s’est déjà frotté à l’organisation d’un voyage sait qu’il vaut mieux porter sa première attention sur le transport plus que sur l’hébergement (on trouve toujours où loger ; au pire des cas, le sable est un duvet très ergonomique). Ne possédant pas de voiture et le train étant moins onéreux que l’avion, on en découdra avec le réseau ferré et toutes ses offres très sympathiques après s’être attaqué au plus gros en premier. Tout commence donc par une ruée sur les vols low cost. Ceci est un véritable travail de stratège. Les principales compétences requises sont vitesse, efficacité et incrédulité (face aux soi-disant « affaires »). Les questions fusent : faut-il passer par les intermédiaires low cost que sont les sites comparateurs de prix ou faut-il sauter cette étape et directement effectuer ses recherches sur les sites des compagnies mêmes? Se ressourcer, est-ce découvrir trois capitales en six jours ou faire trempette sous les cocotiers ? Serait-il possible que les vacances qui nous paraissent idéales nous épuisent ou nous ennuient en réalité ?

Faute d’échanges rapides avec vos compagnons de voyage, s’ensuit une phase de flottement. Vous êtes entré dans le mois et demie avant la date de départ et avez passé la ligne rouge des réservations idéales. Les jours s’enchaînent à une vitesse effrayante et, au lieu des prix, c’est votre moral qui baisse. Ces petits malins ont décollé avec les avions !
Vous êtes alors confronté au dilemme suivant : réserver un vol aller de 11h37 avec escale à Tanbouktou pour aller je-ne-sais-où ou attendre la dernière minute sachant que les compagnies préfèrent remplir leurs avions et que des places pourraient potentiellement être bradées.

Il faut bien y réfléchir car, dans la première solution, le retour est moins long puisqu’il ne dure que 8h53 avec escale à Ne-passe-pas-par-moi, et que, dans la deuxième solution, les voyages tout compris de dernière minute peuvent paraître extrêmement avantageux pour des cadres au salaire moyen de 3500€, mais moins pour des petites jeunes écervelées demandant juste un rayon de soleil et un bon bol d’air dépaysant !

Il est temps d’envisager des solutions de repli.
Pour ce qui est de la destination, partir moins loin en est un exemple. Chercher Charlie dans le désert sera pour une année plus faste.
Pour ce qui est du transport, je me demandais si mon permis de lama était valide en Aquitaine parce que l’avantage est que ces petites bêtes sont habituées à l’altitude dans le cas où on descendrait un peu plus vers les Pyrénées…

Attention, deux lamas sont signalés au niveau de la bifurcation vers l’autoroute des vacances. Ils semblent hésiter à se reposer sur la bande d’arrêt d’urgence. Nous revenons vers vous dès que nous avons plus d’informations à ce sujet.

dimanche 24 juin 2012

Cassez la voix


Le début de l’été commence de manière incertaine. Le jour de la fête de la musique. Sans doute est-ce le contraire (la fête de la musique qui est fixé au jour de l’été), mais ça ne m’arrangeait pas dans mon récit. Je disais donc que l’été commence le jour de la fête de la musique.

Jour au temps très hasardeux. Chaque année, on est en débardeur à 10h (j’avoue ne pas avoir pu vérifier cette année, ma nuit ayant été matinale), on passe l’après-midi à regarder l’orage déferler (on évite d’avoir le mauvais goût de se trouver sous la grêle) et, quand il est l’heure de sortir, disons vers 18h, on enfile deux pulls. Dialogue surpris au passage : « Vous ne mettez qu’une petite laine et un pull ? – C’est que vous avez mis une chemise de corps, vous…» Vous voyez, tout le monde est au courant de la stratégie thermique à adopter en ce jour précis.

Ensuite, on rejoint ses amis aussi emmitouflés. Là, commence la vraie fête de la musique. J’ai nommé la « Randonnée dans Paris ». Les quais de Seine sont un décor très sympathique pour l’occasion. Un peu bruyants, certes, mais ils ont le mérite de ne pas vous demander de réfléchir au chemin comme de vous faire profiter des gammes d’une multitude de musiciens du jeudi. C’est parti, un peu de rock, un peu de folk, du jazz par ici, du manouche par là. Oh, du blues ! Tiens, là, c’est un quartette avec invité ou un quintette peu équilibré ? Oh la la, mais quelle voix !!!!! J’adorerais avoir cette puissance vocale !

Quelques heures plus tard, ce n’est vraiment plus la puissance de la chanteuse que vous aimeriez avoir, mais rien qu’un filet de voix. Même pas de la sienne. La vôtre suffirait amplement, on n’est pas très exigent. Tout ça parce qu’il faut bien chanter au moins une fois le soir de la fête de la musique. Et quand c’est parti pour une fois, c’est parti pour toute la soirée. D’où la voix d’un macaque en fin de vie quand vous essayez de répondre à votre voisin qui, lui, a non seulement économisé ses cordes vocales mais avait surtout pensé à prendre une écharpe. Plus il essaye de vous faire parler, plus vous le haïssez.

Avec vos acolytes, vous finissez votre randonnée sur le Pont des arts, accoudé sur un accordéon, le menton dans un saxophone, dodelinant de la tête sur quelques airs qui vous ont entrainé et dont vous vous rappelez le plus… ceux du début de soirée je pense ?

Le lendemain, vous ré-adoptez le cri de guerre de tous les Parisiens : j’ai hooooooooo-reur de la fête de la musique !


vendredi 15 juin 2012

Mary Poppins – retour et plagiat


J’ai une boîte en carton rayée blanche et verte avec un couvercle tout vert.

Cette boîte en carton, c’est un peu comme ma petite maison. Une petite maison aux mille surprises. J’y mets tout ce dont j’ai besoin et tout ce qui me touche doit y faire un tour. Je préviens d’ailleurs mes amis qu’ils risquent d’y passer un jour. Je vous assure qu’elle a une contenance extraordinaire. Il ne faut pas avoir peur de cette petite boîte, elle est mon amie, mon alliée, ma confidente.

Je suis sûre qu’elle voit tout ce qui se passe autour. Elle a des yeux cachés. Des amandes rayées.

C’est une petite boîte très intelligente. Elle connaît la notice de tous les médicaments qu’elle loge et a lu tous les carnets de voyage et livres de poésie que je lui ai prêté. Même Aragon ne l’a pas intimidée, elle est folle d’Elsa à son tour. La dernière fois que j’ai écouté son cœur battre, j’ai cru comprendre qu’elle désirait ardemment découvrir la Colombie. J’ai eu beau la réfréner, lui faire comprendre qu’on pouvait être kidnappé comme un rien là-bas, elle m’a répondu que, dans sa vie de carton, mourir détrempée par une pluie tropicale était une solution qu’elle envisageait. Elle a du apercevoir la lueur d’angoisse qui est passée dans mes yeux car elle s’est empressée de me rassurer en me disant que ce n’était pas pour tout de suite. Moi, je la trouve plutôt en forme ma petite boîte.

Elle s’entretient avec des rubans de toutes les couleurs et des miroirs de toutes les humeurs. Elle écrit ses mémoires avec de l’encre que je lui donne. Elle fait l’Espagnole avec des castagnettes. Avec mes radios, des fois, elle s’invente même un squelette …

Elle veille sur mon petit monde qui est devenu son petit monde comme une maman poule couve ses œufs.

Supercalifragilisticexpialidocius, voilà un nouvel ami!

samedi 9 juin 2012

Un jour ici

Comment fait-on pour vivre une déception ?

Comment font-ils tous ces gens qu’on croise pour continuer à marcher ? Droit ou non. Je pense aux gens que je connais et reconnais différentes méthodes.

Il y en a qui passent sous silence l’événement qui les a attristés. Certains le font par pudeur qui pourrait bien être mélangée à de la fierté: les gens n’ont pas besoin de savoir, cela ne regarde que moi. D’autres vont même jusqu’à s’inventer une vie, une vie où tout se passe tellement bien, voire si extraordinairement bien pour eux que personne n’est dupe mais tout le monde les écoute en rêvant à ce que leur vie aussi ressemble à un tel récit. On finit presque par oublier qu’on n’y croit pas de manière à mieux s’affliger en se trouvant pitoyable de verser une larme pour telle ou telle chose quand d’autres ne sont jamais confrontés à des situations pénibles. Quand on commence à croire à la fable de l’autre, notre réalité est terrible.

Il y en a d’autres encore qui crient haut et fort leurs petits malheurs quotidiens. Tellement banal, c’est un mode de vie, un peu comme Les malheurs de Sophie avec un nombre illimité de chapitres. On est à la page 312, mais on sait que la prochaine fois qu’on verra la personne en question, on aura passé la page 329. Ça s’accumule. On connaît tout de ce qui lui est arrivé, de la fois où il a insulté une grand-mère en pensant que c’était un gangster à la fois où il s’était déjà vu déchiqueté par les piranhas parce qu’il avait oublié d’emporter les rames de son canot qui tanguait dangereusement, laissé à la dérive. C’est un sujet de conversation tellement vrai qu’au fond, il ne trompe pas. Lui aussi, comme le premier, quémande une attention particulière. Attention qu’il obtient, qui lasse, qui déclenche une certaine empathie. Plus que la première méthode.

Moi, je ne sais pas, j’ai oublié ma notice.
J’hésite entre marcher pendant des heures, jouer à saute-moutons, mâcher le plus de chewing-gum possible pour faire un concours avec moi-même, tourner les bobines de mes vieilles cassettes audio jusqu’à ce que les marques des petites roulettes en plastique restent imprimées sur le bout de mes doigts, et découper tous les tissus qui me passent sous la main pour en faire de faux origamis. Ou faire tout ça en même temps.
Ou boire une petite coupe et souffler ma déception dans une bouteille que je jetterai dans la Seine. Elle arrivera jusqu’à la mer. Je le sais. Le vent la portera.

L'air du large sent bon la liberté