mardi 22 septembre 2015

Le chevalier périmé


Il y a le personnage principal, le chevalier, et puis il y a son objectif, la belle princesse. Notez qu’on pourrait être moins sexiste et parler de chevalière (pas la bague) et de prince ou alors de chevalier qui va chercher son prince ou encore de chevalière (toujours pas la bague) qui court après sa princesse. Mais soyons simple et restons dans un schéma traditionnel pour l’explication. La tradition, ça marque et ça fout les boules.

Le chevalier veut donc rejoindre la belle Guenièvre à tout prix, qu’importe le déficit dans lequel l’enferrent les crédits émeraudes.

Le problème, c’est qu’il y a plein de portes fermées devant lui. Les vilains obstacles.

Sur son beau cheval blanc qui broute le gazon royal en sifflant High by the Beach1, il réfléchit. Pour une fois, ça lui fait du bien. Il réfléchit et se dit « Mais comment vais-je faire pour retrouver ma belle et tendre ? ». Il a déjà du tâter sa peau de pêche. Désolé tradition.

C’est là qu’intervient le premier adjuvant : Bibi le Hérisson. « Hé Ken, je sais pas ce que tu branles à glandouiller en rond sur ton canasson, mais c’est tout droit ».

Le chevalier ouvre grand les yeux croyant au miracle (là, il a oublié qu’il était capable de réfléchir), lance son bel étalon qui ne court plus tellement droit depuis sa petite snifette et défonce toutes les portes sauf la dernière.

Le cœur entr’ouvert, les yeux exorbités et les jambes flageolantes, il se trouve légèrement mal en point. Avant d’atterrir dans les bras de sa belle et d’offrir son plus beau sourire aux photographes, il se dit qu’il a besoin d’un petit masque au bleuet, fleur fort courante dans la région.

Requinqué du museau et la mèche rebondie, il franchit la dernière porte tel un héros moderne, le torse bombé et luisant. Mais la belle Guenièvre s’est lassée du jeu méritocratique entre-temps et est partie avec un duc espagnol faire bronzer ses rubis à Ibiza.

A ce moment-là, Bibi le Hérisson fait son come-back. Il accourt sur ses petites pattes en tendant au chevalier la clé jetable du chemin vers Adélaïde et le réconforte : « Une de périmée, dix à consommer ».

Le bleuet ayant renforcé jusqu’à son armure qu’il ne peut plus enlever, le chevalier part butiner à gauche et à droite avec un allant à date de péremption jusqu’à ce que la fleur anesthésie toutes ses chairs et qu’il cherche une substance pour combler son manque affectif. Désormais, il erre seul dans son halo bleuté en se demandant quelle porte franchir. On l’entend parfois dans ses délires : « Bibi... psssss... Bibi, t’es où ? ».

1 Lana del Rey

Roman de portes, de chevaliers et de hérissons, Moyen-Age actuel

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