dimanche 3 septembre 2017

Gris

Une pluie de charbon a commencé à s’abattre. Le rythme était régulier. Le ciel s’était couvert d’un voile gris insoutenable qu’on avait envie de racler au râteau pour laisser au moins quelques traces si ce n’est une déchirure. Des collines noirâtres se sont formées, des murs aux formes envoûtantes se sont dressés. Le paysage se sculptait au gré de la force des vents qui s’élevaient selon les jours. Parfois des tempêtes ravageaient tout et laissaient l’idée d’un champ de ruines. L’hypothèse d’une forme ancienne. 

Le charbon continuait à tomber. Les formes se recréaient, redevenaient néant, et se reformaient à nouveau. 

Le sol vit son épaisseur prendre en volume. Par endroits, le charbon se tassait et l’on pouvait marcher dessus. À d’autres endroits, le pied pouvait être pris dans un éboulis interne écrasant les charbons devenus friables tellement ils étaient desséchés. La jambe s’enfonçait, l’équilibre se perdait et, dans la plupart des cas, on tombait. Le but des journées était surtout d’assurer sa marche.

Parfois on s’arrêtait, considérant qu’il ne valait pas la peine d’avancer pour risquer de se prendre une nouvelle fois les pieds. Mais l’attente dans ce paysage désolé avait toujours raison de cette pensée et on repartait.

La pluie de charbon s’est doublée d’une pluie de météorites et de clous. Les météorites creusaient le paysage rendant les collines encore moins sûres, les pas plus hésitants encore. Attendre sur place ne semblait plus envisageable car il fallait fuir sans savoir où on allait. Les clous transperçaient les boucliers et ravageaient l’espace sonore. Car c’est le bruit, le bruit qui était le pire.

Jusqu’à ce qu’une grotte apparaisse. Avançant à l’aveugle, je me suis retrouvée dedans sans m’en rendre compte. C’est le son de ma respiration, la première que j’entendais depuis des mois, qui m’a fait ouvrir les oreilles puis les yeux. Le vacarme était devenu sourd et l’obscurité ne grésillait plus. J’ai pu continuer à respirer en entendant mon souffle. 

Je l’entendais de mieux en mieux. J’ai regardé l’entrée de la grotte et la pluie avait cessé. Les débris jetés par le ciel jonchaient le sol et le vent s’amusait à les déplacer.

Je suis sortie de la grotte et, à la recherche d’une déchirure dans la grisaille, me suis remise à marcher.

Des rayons transperçaient la masse grise. La marche durait. Mais je savais qu’au bout, je trouverai quelque chose.


sens de la vie

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