vendredi 18 mai 2012

Une école de patience


La bonne idée que de donner des cours particuliers pour se faire un peu de sous ! J’ai d’abord pensé que ça pouvait être plus enrichissant, intellectuellement parlant, que bien d’autres petits boulots alimentaires. Ça me ferait revoir les bases dans plusieurs matières (autant proposer large pour avoir plus de chance d’obtenir des propositions de cours), des cas allemands, base de la base de la pyramide grammaticale germanique, aux figures de style obscures qui apparaissent une fois par siècle dans une certaine littérature française élitiste en passant par la conjugaison anglaise. L’enthousiasme me portait tellement que j’étais prête à me mettre à la chimie et à apprendre le tableau de Mendeleïev recyclé en brouillon dès la première seconde de la première heure du premier jour où on me l’avait remis entre les mains il y a un peu plus de quelques années, à croire que Saint Einstein s’était absenté de la classe ce jour-là. Comme tous les autres jours d’ailleurs. Ceci étant une autre histoire, vous pouvez cependant remarquer à quel point la fibre pédagogique (parler de « tentation » m’a semblé un terme légèrement trop exalté) s’était emparée de moi. D’autant plus que cet aspect pédagogique amènerait une expérience humaine ne relevant pas de l’animation.

La question qui s’est posée après des lendemains de cours qui déchantent est la suivante : Pourquoi, ô combien pourquoi, mon enthousiasme joue-t-il constamment au sprint quand mon sens de la réalité tente miraculeusement de le suivre de loin, rouge comme une tomate et essoufflé comme un diable d’avoir crié et envoyé moult signaux de précaution au premier ?
On ne va pas se fatiguer à essayer d’y répondre, c’est de nature, je pense.

Certes, cela me permet de revoir certaines bases. Je réussis notamment à trucher aux moments où je suis censée expliquer une notion oubliée en faisant diversion : tout en m’indignant du fait que mon élève n’ait pas encore eu de leçon claire à ce sujet par son professeur, je me dépêche de trouver la leçon en question dans son manuel scolaire… Mais, en définitive, donner des cours particuliers revient purement et simplement à de l’animation. Je retire donc ce que j’ai dit plus tôt. Je peux vous assurer que je suis mise à rude épreuve quand je m’épuise de dynamisme face à mon élève de 2nde piquant du nez devant une leçon sur l’accord du participe passé, ne s’étant décidé à se coucher qu’après une partie de PS3 d’environ 7h la veille au soir ou que je m’épuise de patience devant ma petite élève de CM2 qui trouve bien plus intéressant de choisir la couleur de ses stylos que de recopier un tableau vite fait bien fait pour passer aux exercices. Pour le coup, j’ai été prise à mon propre piège car j’avais coloré le fameux tableau exprès pour le rendre plus attractif et c’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle elle a bien voulu le recopier à ce cours et non au cours suivant. Tout ça pour être payée au lance-pierre par les organismes qui mettent en place une véritable compétition de rapidité entre les différents professeurs pour accepter un cours. Il n’est pas non plus négligeable d’ajouter que certains parents se sentant seuls peuvent trouver en vous une bonne poire d’oreilles…

Alors, plusieurs fois par semaine, je prépare gaiement mes cours. Chargée de ma panoplie de professeur, je pars de chez moi pour me métamorphoser, au final, en super baby-sitter ou assistante sociale bénévole… Saint Einstein, venez moi en aide !


Une petite piqûre de rappel pour vous réchauffer le cerveau ?

3 commentaires:

  1. Excellent! Ayant vécu cette situation, je ne peux qu'admirer la très exacte description que tu en fais! Ajoutons les cours annulés à la dernière minute, les élèves ayant "oublié" alors que vous êtes à la porte devant chez eux, et on obtient une très forte envie de prendre ses jambes à son cou, et à l'instar de Lullaby, de courir toujours!

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  2. Merci pour ton commentaire, Mathilde! En effet, il y a également les oublis. Moi, la dernière fois, la mère, qui n'avait pas oublié du tout, m'avait laissé entrer. J'ai attendu quasiment 10 minutes dans le couloir, entendant la conversation de l'autre côté de la porte de la chambre: face à une mère gênée qui disait à sa fille de se dépêcher car sa prof était là, la petite, qui avait apparemment trouvé une occupation bien plus intéressante, répétait à chaque sollicitation un peu plus pressante: "Mais, quelle prof???!!!"... ....

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