Qui pense
encore aller au Festival de Cannes pour voir des films ???
Personne,
bien évidemment.
De toute
manière, on sait très bien que ce sera un obscur réalisateur coréen ou directeur de la
photographie pakistanais qui sera primé.
Non pas que j’ai une dent contre les cinéastes coréens ou pakistanais, mais il
n’est pas rare que celui-ci demeure tout aussi obscur les quelques années qui
suivent sa gloire cannoise, jusqu’à ce qu’il devienne lui-même membre éminent
d’un des trois jurys du cru ou, qu’à son tour, il remette un prix dans le
Palais des Festivals. Après, que sais-je de leur parcours ? Tout ce que je
peux dire, c’est qu’ils auront été emportés par cet ouragan au moins une fois
dans leur vie. Car, quand on est amené à Cannes - quelqu’en soit la finalité -
on vit Cannes, on respire Cannes, on mourrait presque Cannes. Bienvenue dans le
Cannes System.
11 jours
et 10 nuits à ne plus manger, ne plus dormir, ne (presque) plus penser. Monde
de déracinés qui se damneraient pour une Montée des marches avec un grand M.
Les festivaliers envahissent la ville. Loueurs d’escabeaux pour profiter de la
vue, gardes du corps, attachés de presse, agents, stylistes, maquilleurs,
coiffeurs et compagnie hurlent leur corps pour être partout et ne pas en rater
une miette. De la star en veux-tu en voilà, ça occupe son monde ! Adrien
Brody en grande conversation avec Sharon Stone à vos côtés dans l’ascenseur?
Rien de plus banal. Je ne suis vraiment pas du genre « fan ». Pas
comme ces 200 personnes massées à l’entrée de l’hôtel pour tenter d’apercevoir
le mégot de cigare de Léo ou l’aiguille du talon d’Eva.
Et puis,
il n’y a plus de plage. Des baraques de fer et de toile résistante aux noms de
boisson à base d’agrumes ou de glace au lait ont poussé sur le sable. Je n’ai
vu la mer que deux jours avant la fin. Avant, c’était un décor de cinéma jonché
le long de la Croisette. Alors j’ai marché du côté de la mer. Je l’ai
éclaboussée à minuit pour ne pas aggraver mes coups de soleil, je lui ai porté
un toast aussi: « Cannes, ville où j’ai cru mes orteils cassés pour
avoir été coincés dans des stilettos trop hauts, Cannes, ville où j’ai compris
que le vrai luxe, c’était d’avoir sa coupe toujours remplie de champagne frais,
Cannes, ville où un petit ticket de rien du tout pour gravir des marches
incandescentes a plus de pouvoir pour décider d’une carrière qu’un travail
acharné sur le vers racinien une vie durant, Cannes, ville des cancans, Cannes,
business machine en pleine ébullition, vampire suceur d’énergie, déferlante de
souris droguées à l’adrénaline iodée qui s’activent pour des flashs, Cannes…
tiens, faudrait que je pense à trouver des cartes postales, quand même … Cannes
… euh, je ne sais plus en j’en étais … eh bien, Cannes, il est temps de te
rendormir !»
Je suis
partie comme je suis venue, laissant au port ses mâts, au café, ses crêpes au
Nutella, échouant dans un train direction la réalité. C’est là que j’ai fermé
les yeux.
Vide ou pas vide... de sens? |
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