Vendredi matin, il est temps de se prendre en main. De penser à gagner
son pain. D’accélérer le train. Il faudrait tracer des lignes, creuser les
cercles, penser aux racines carrées plutôt qu’à chercher ses racines. Aller de
l’avant, serrer son caban, cheveux dans le vent. Humer le parfum de la carrière
et de la réussite sans perdre de temps à semer des petits cailloux. Trouver son
sillon et ramer, ramer dans des vagues d’efficacité, des vagues de rendement
pour trouver un port. Mais peut-être la douce Ithaque ne sera jamais la lueur
au large de Charybde et Sylla. Alors, il faut lutter. Lutter et construire.
Construire un plan d’avenir.
C’est là que ma petite voix intérieure a allumé toutes les sirènes
rouges qui se sont mises à hurler dans mon corps et à aveugler ma tête, jusqu’à
ce que je me réveille quelques heures plus tard, apaisée et riche de plusieurs
plans d’attaque. Ne dit-on pas, d’ailleurs : Idées du matin,
chagrin ; idées du soir, espoir ? Entre nous, je pense qu’il est
temps d’abandonner le temps et de comprendre que l’heure n’est qu’un leurre.
Ainsi, voilà la liste de mes possibles plans de carrière:
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Observatrice
du métro. Pour voyager toute la journée en vérifiant que les longs couloirs
noirs flashent toujours nos yeux à intervalles réguliers.
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Allumeuse
de bougies. Parce qu’il est à la fois drôle et périlleux d’allumer.
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Souffleuse
de rêves. Parce que s’il faut faire un pas en avant, il sera onirique ou il ne
sera pas.
-
Exploratrice
d’inconscient. Parce qu’à côté, l’Amazonie ressemble à une plaine ensoleillée.
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Chercheuse
d’harmonie. La la la la. Décidément, je préfère abandonner le chant avant de le
commencer.
-
Accordeuse
de violons. Parce qu’ayant abandonné le chant, j’aurais fait venir une famille
de tortues du Guatemala pour créer une chorale de la première importance, mais
que, mes tortues étant ambitieuses, leur rêve serait d’intégrer un orchestre
symphonique. Je créerais alors un hymne à leur gloire pour qu’on réalise la
douceur de leur xylophone vocal.
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Mécanicienne
des rues. Pour ramasser tous les boulons qui traînent et construire avec un
grand cheval qui aura pour but d’essayer de voler un jour. Parce que
l’impossible est toujours possible. Plus besoin donc de se le répéter en
boucle, il suffira de le regarder, lui, droit et fier comme un phare.
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Oublieuse
de Paris. Parce que j’aime et que j’adore. Les baignades dans la Seine, les
promenades dans la Tour Eiffel. Aller à Saint Germain pour faire ma jeune fille
au Flore. Faire des scènes dans les cinémas et éclater en sanglots pour
amadouer les Parigots. Se sentir libre comme la pollution. Partir en mer dans
un bassin du Luxembourg. Manger une crêpe en faisant quelques tours de grande
roue pour améliorer la digestion. Surtout râler sur tout partout. S’allonger
sur un banc des Tuileries et oublier Paris.
À vrai dire, j’ai encore pas mal d’idées dont je vous ferai grâce
aujourd’hui.
Dans tous les cas, au vu de ces pistes, ce ne peut être qu’un avenir
brillant qui m’attend…
On les dit fans d’Aznavour
Je m’voyais déjà…